samedi 23 août 2008

Juste le temps d'une formation

ACTE 1 - Mais c'est quoi être pilote ?

Beaucoup de personnes, notamment européennes, me contactent et me posent les questions suivantes: "Combien de temps dure une formation pour devenir pilote professionnel ? Faut-il des diplômes d'études supérieures ? Peut-on faire de longs vols ? Pourquoi ça va plus vite au Canada qu'en France ?" et bien d'autres encore...

Tout d'abord le système français / européen n'est absolument pas le même que le système canadien pour la formation de pilote professionnel ou de ligne.
Il n'est pas nécessaire d'avoir des diplômes d'études supérieures pour devenir pilote d'avion. Il est évident cependant que toutes les connaissances scolaires acquises en maths et physique notamment, sont un plus à la compréhension des phénomènes aéronautiques, tels que la météo (l'un des plus complexe), les facteurs qui influencent le vol d'un avion (gouvernes, moteur, vent, l'âge du capitaine, etc...).

J'ai reçu un email d'un élève français qui fait son cours en France (PPL / CPL-IR).
Il m'a dit que nous au Canada, on était moins fort que eux en calcul mental, et que ce n'est pas une formation de qualité comparée à celle donnée en France !
Tu t'imagines bien que je l'ai adoré ce gars là :))))
Tu as le chef de base, ben lui c'est l'élève pilote de base.

Tout peut se calculer. La consommation pour notre vol au 10ème de litre près grâce à la pression atmosphérique, de la température du jour, la distance du vol, le régime moteur, l'altitude; le temps que l'on va mettre à la minute voire à la seconde près selon le vent, notre vitesse; l'angle à prendre pour rester sur notre trajectoire au degré près, et j'en passe...
Nous calculons tout cela avant notre vol de navigation, à chaque fois !
Ce ne sont que des formules, aujourd'hui les appareils électroniques le font très bien pour nous.

C'est certain qu'il est préférable de les connaitre ces formules, si notre CX2 (calculatrice magique qui fait ça pour nous...) ne fonctionne plus.
A chacun le soin de les apprendre.
Mais lorsque tu es dans ton avion, tout seul, si tu calcules cela à la main, je doute fort qu'un jour il ne t'arrivera rien !
Ta concentration sur le pilotage de ton avion, tes réflexes et ta fatigue en prendront un coup !

Donc il existe un mot magique: l'approximation.
Lorsque tu fais un vol, Québec - Montréal par exemple, que tu prennes un cap 262°m ou 263°m, on s'entend que ça ne va pas changer grand chose sur ton parcours.
Je n'ai d'ailleurs jamais fait un vol en gardant mon cap unitialement calculé, et pourtant je suis arrivé à destination en avance à plusieurs reprises, et en ayant consommé moins de carburant que prévu.
Déjà est-ce que ton instrument (DG ou Compas) fonctionne bien ? Est-ce que tes calculs sont bon ? Est-ce que la sonde météo est fiable à 100% lorsqu'elle te fait une estimée des vents qu'il va y avoir à 18h Zulu alors qu'il est 14h Zulu !
On les croit, on s'en sert, et ça fonctionne !

Tant de paramètres qui rentrent en compte, qu'il est parfois bien préférable de faire une estimée (gain de temps, gain de réflexion, gain d'attention pendant ton vol) mais cependant au plus proche de la réalité, que de se focaliser sur les calculs.
Lorsque tu voles à 120noeuds, tu sais que tu vas faire 20nm en 10 minutes.
Que tu mettes 9min30s ou 11min45s ne changera rien.

Lorsque tu auras 150 pax derrière toi, sur un avion volant à plus de 250 noeuds, avec une compagnie qui te demande de voler vite mais économique, là oui tu pourras faire tes calculs, ou ton co-pilote le fera pour toi (ou inversement) car vous serez 2 dans l'avion, un pour le pilotage, l'autre pour les tâches cérébrales (et de vérification).


ACTE 2 - Mais c'est long le cours ?

Ben ça dépend !
Déjà de toi, vas-tu le faire comme activité principale de ta vie, ou comme passe-temps ? Vas-tu venir étudier et voler quotidiennement, ou une fois tous les 36 du mois ?

Lorsque j'ai commencé ma formation je n'ai pas été aidé pas la météo. Je n'ai pas pu voler avant 1 mois environ.
Pendant ce temps tu fais de la théorie, en cours, tout seul, avec ton instructeur, en vue de préparer ton examen écrit de pilote privé.
La météo, les facteurs humains, la cellule et le moteur, la navigation, la règlementation t'occuperont pendant 1 mois et demi à raison de 4h à 5h par jour.
Mais là encore tu ne vois pas le temps passer, puisque tu es passionné et plongé dans cet univers.
Tu effectues tes 1ers vols avec ton instructeur, tu enchaines rapidement les exercices parce que tu es motivé, et bien formé.
Et sans t'en rendre compte, ton instructeur te fais encore une fois une simulation de panne moteur dans ton tour de piste, et une fois la piste dégagée il te dit: "C’est à toi Juju, on se revoit dans 8 minutes..."

Tu viens tout juste de faire ton 1er solo que déjà tu prépares ta première navigation pour ta 150nm, que tu feras avec ton instructeur, puis tout seul.

Tu montes tes heures à te pratiquer en tour de piste, à te balader dans les 25nm de l'aéroport, tu essaies des choses, tu refais les exercices que ton instructeur t'a montré.
Pendant ce temps tu réussis ton examen écrit que tu avais bien préparé, et te voilà aux côtés de ton examinateur pour ton test en vol.
Tu es aujourd'hui PPL, alors qu'hier tu faisais ton 1er solo !

C'est ça la formation...


ACTE 3 - Et Après ?

Là aussi ça dépend... veux-tu en faire ton métier ou simplement un loisir ?
Vu que c'est ta passion depuis tout jeune, tu commences tes cours de pilote professionnel et IFR, parfois il parait que tu les commences sans être PPL :)))

Tes vols de navigation sont de plus en plus longs, tu les fais avec des amis de l'école, tu pars à 2 ou 3 avions, tu pars avec ta famille, tu voyages dans les plus belles places, tu te fais plaisir, tu es libre.

Tu montes tes heures, tu continues ton apprentissage pour être un "Pro", tu fais cela sérieusement et régulièrement, et un matin ton chef instructeur t'appelle en disant que ton test en vol est dans 2heures... tu es prêt et tu le sais !
Tu te prépares mentalement et physiquement pour être au top pour ce dernier examen, pour ces derniers instants de liberté en tant que pilote, tu sais qu'après que tu ne voleras plus où tu voudras, ni quand tu le voudras, mais c'est ta passion et tu aimes ça !

Ton examinateur t'en fait voir de toutes les couleurs pendant ton test en vol, mais il est là aussi pour t'apprendre et pas pour te juger ni te casser.
Un examinateur c'est un instructeur qui vérifie tes compétences et ce qu'on t'a enseigner.

Après plus de 2h00 de rigolade avec lui dans les airs, il te félicite et te souhaite une bonne chance dans ta carrière de pilote.
Tu es aujourd'hui un pilote professionnel, alors qu'avant hier tu faisais ton 1er solo.

C'est ça la formation...


ACTE 4 - Mais je veux être pilote de ligne moi...

J'y viens... tu viens de recevoir ta licence de pilote professionnel, avec ta qualification de vol aux instruments, la porte de l'emploi t'est ouverte.
Tu commences par faire des tour de ville à des touristes, tu voles à droite à gauche sans être payé, mais sans payer, puis en avril tu signes ton 1er contrat, tu pars sur les patrouilles des feux de forêt, et tu montes tes heures.

Car ton CV = tes heures de vol !
Sans ça tu n'avances pas, mais une fois que tu les as, ce n'est pas moins difficile.

Tu peux faire ton cours d'instructeur si tu as le goût et la passion d'enseigner.
Tes heures monteront rapidement.

Parce que pour être pilote de ligne au Canada, il ne te suffit pas de faire l'ATPL théorique comme en France après avoir passé ton test en vol de pilote privé, et d'être bon en calcul mental, il te faut de l'expérience, et elle a un nombre: 1500 heures de vol, et 2 examens écrits réussis.

Alors on est peut-être moins bon en calcul mental (jugement infondé), mais on est formé et on travaille à être pilote d'un avion, on a de l'expérience, et on le fait bien.

La route est longue et pleines de surprises (bonnes ou moins bonnes) avant d'arriver jusque là, mais avec la patience on y arrive.

La formation de pilote ce n'est pas un 100m, mais un marathon qui va très vite...

9 commentaires:

Anonyme a dit…

Merci M'sieur Juju :)

Anonyme a dit…

L'étoile pour guide,
les ailes pour voler
Les lauriers pour la gloire...

Certaines personnes sont très médisantes sur certains sujets... Ce jeune étudiant entre autre. Le système français est fait d'une telle manière qu'il se répercute même sur la façon de penser des gens. L'avantage de pouvoir étudier ailleurs n'est pas seulement financier mais aussi intellectuel... et oui.. ça peut ouvrir l'esprit... ainsi créer ses jugements sur des propos bien fondés.

si il devait y avoir quelqu'un qui connaît par coeur son futur métier qui est en passant sa passion depuis son plus jeune âge, c'est bien toi... tu es né sous une bonne étoile, tu n'as pas besoin d'ailes pour pouvoir voler... ta passion se charge de cette mission... et tu sais que tu reussiras même si tu passeras par des étapes plus ou moins difficile...
il me semble que ça... c'est l'essentiel.

Ninon

Anonyme a dit…

Je me permets d'apprécier ta réponse du 23 août 2008 à l'égard de ce jeune pilote qui, au fond ne demande qu'un soutien ou encouragement qui ne semble pas avoir. Peut-être n'a-t-il pas encore acquis cette "conviction" qui est nécessaire pour parvenir à ce que l'on souhaite, sur n'importe quel plan !. Je pense que tu l'auras aidé par ta précision claire et pédagogique.... Et si cela est vrai, ce qui semble être à mes yeux, tu as acquis de très bonnes bases, qui est le départ prometteur pour beaucoup de bonnes choses ....
Papa, qui continue à t'encourager, selon sa méthode.

Anonyme a dit…

Et ils font quoi en France pour garder nos meilleurs éléments ?????
Tous les jeunes partent à l'étranger .
Monsieur Sarkozy faites quelque chose S'il vous plait Merci .

Stéphane Ketterer a dit…

Salut Julien,
Ce qui est sur, c'est que si on fait de notre passion notre métier, on n'aura pas à travailler un seul jour de notre vie.

Mais ce qu'il ne faut pas oublier, c'est que dans l'aviation, la plus grande qualité est l'humilité. Que celui qui se permet de juger et de critiquer les autres, dans un domaine où il n'est pas possible d'être le meilleur, finira tôt ou tard par se faire piéger...

Ce que les élèves pilotes pensent dépend à mon avis en grande partie des personnalités de leurs instructeurs. Certains sont vraiment extraordinaires, même en Europe.

Le ciel est le plus bel endroit du monde, admirez-le, côtoyez-le et gardez à l'esprit qu'il sera, lui, toujours maître. Hé oui.

Stéphane, élève CPL/IR MEP ATPL ... en Suisse...

Anonyme a dit…

Que l'on apprenne en France, en Europe ou à l'étranger, seuls le travail pour décrocher les diplomes et la passion font de vous un bon pilote.
Calcul mental ou autre technique, l'essentiel est de savoir diriger son avion sans encombre, et savoir trouver une parade en cas de défaillance des appareils de guidage ( si on appelle celà ainsi :p).

Voilà un commentaire bien Français de la part des étudiants qui accèdent à un certain niveau d'étude !! on est les meilleurs !!!pffff

Moi je ne le veux pas comme pilote sur l'avion que je prendrai mdr.

Bons vols juju, et n'écoute pas ceux qui voudraient te saper le morale.

Grosses bises

Val

Mon profile... a dit…

Quoi ??!!! Tu ne sais pas calculer combien il y'a de gouttes d'eau dans un stratocumulus ? Pfff t'es nul mec !

Ah pardon ! Bien sûr, j'espère que tu sais mesurer la taille du nuage avant ! Sinon c'est pas possible pour les gouttes...

ça promet ! je ne prendrai plus Air Canada moi !

Moi perso, je suis dégoûté ! :-(
Je reviens cet après midi d'une navigation, je suis arrivé 2 minutes et 28 secondes en retard.. :-(

J'espère juste retrouver le sommeil...

flaps

Anonyme a dit…

Et bin, quel article. Félicitations :-). PS: tu reviens quand sur Niiceeee ????

Anonyme a dit…

"tu voles à droite à gauche sans être payé" :0:0:0:0 .....